Encore sociaux-démocrates, mais plus performants!

Le Devoir, 21 juillet, 21 juillet 2014, Stéphane Paquin

Article publié sur Le Devoir le 21 juillet 2014, en raison du congrès mondial de science politique qui se déroule à Montréal entre le 19 et 26 juillet dont M. Paquin est le président du Comité local d’organisation.

Depuis quelques années, une partie de la pensée dominante au sujet des défis de la « gouvernance contemporaine », thème du présent Congrès, a réussi à imposer un discours qui soutient qu’une importante intervention de l’État dans l’économie et le social, qu’une fiscalité très imposante ou encore que des taux de syndicalisation élevés ne peuvent que nuire à la croissance économique et à la prospérité d’un pays.

Or, la Suède, le Danemark et la Finlande sont trois pays qui, globalement, sont les plus représentatifs de ces trois caractéristiques. En effet, aucun autre pays de l’OCDE n’a à la fois des taux de syndicalisation aussi importants (environ 70 %, contre 17 % pour la moyenne des pays de l’OCDE) avec des dépenses publiques et sociales ainsi que des niveaux de taxation sur leur PIB aussi élevés. Le Danemark détient par exemple le record avec des recettes fiscales qui atteignent 48 % de son PIB, ce qui est pratiquement 24 points de pourcentage de plus que les États-Unis !

Si la pensée dominante est juste, on devrait pouvoir constater que ces pays vont plutôt mal depuis déjà quelques années déjà. Leur croissance devrait être plus faible que celle des pays plus en phase avec la conception néolibérale de l’économie, comme les États-Unis par exemple. Ces pays devraient connaître un plus important taux de chômage, un endettement public considérable et être moins attrayants pour les investisseurs étrangers.

Cependant, dans les faits, lorsque l’on regarde la croissance annuelle moyenne du PIB entre 1989-2011, soit depuis le dernier sommet de l’économie mondiale, le taux de croissance annuel moyen est de 1,73 % pour la Suède, 1,49 % pour la Finlande, 1,21 % pour le Danemark. Sur la période, la Suède et la Finlande font mieux que les États-Unis (1,33 %) et que le Québec (1,28 %) et les trois pays surpassent la croissance du Canada (1,21 %).

Ces petits pays du nord de l’Europe sont également très performants sur le plan des exportations. En proportion de la taille de leur économie, ils sont plus ouverts que les États-Unis ou encore les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Les exportations de la Suède représentent 50 % de son PIB, celles du Danemark 53 % et de la Finlande 40 % contre 14 % pour les États-Unis. Les trois petits pays nordiques font également mieux que les 12 % du Brésil, les 32 % de la Russie, les 25 % de l’Inde et les 31 % de la Chine.

Les exportations totales dans le monde de ces trois pays d’Europe du Nord dépassent même celles de gigantesques pays comme le Brésil ou l’Inde. Mieux encore, ces pays sont en surplus de leurs soldes commerciaux depuis plus de 20 ans. En moyenne, lors des dix dernières années, la Suède a connu un excédent commercial représentant 7 % de son PIB, ce qui est pratiquement incroyable.

Ces pays sont également très attrayants pour les investisseurs étrangers. Que ce soit sur une base par habitant ou en pourcentage de leur économie, ils reçoivent plus d’IDE, en moyenne, depuis le début des années 1990 que les États-Unis ou le Canada, mais également que les BRIC, et ce, depuis plusieurs années déjà !

De plus, ces pays sont des modèles dans le monde en matière de gestion des finances publiques. Alors qu’au début des années 1990, l’agence de notation Standard Poor’s a abaissé la note de crédit des trois pays. Dès la fin des années 1990, ils avaient récupéré leur cote AAA. Pour ne plus jamais la reperdre. Lorsqu’on utilise le concept de « dette nette » de l’OCDE, ces trois pays détiennent même des dettes négatives ! La dette nette, selon les chiffres de 2008, représente -51,1 % du PIB pour la Finlande, -18,2 % pour la Suède et -6,1 % pour le Danemark !

Mieux encore, les pays scandinaves ont réussi à maintenir une bonne croissance économique, tout en étant moins inégalitaires que les autres pays membres de l’OCDE. Dans ces pays, le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités de revenus au sein d’un pays, est parmi les plus bas des pays de l’OCDE. Pour mémoire, plus ce coefficient est proche de zéro, plus le pays est égalitaire. Le coefficient, après impôt et transfert, est de 0,248 pour le Danemark, de 0,259 pour la Finlande, et de 0,259 pour la Suède. La moyenne des pays de l’OCDE est de 0,314. Dans le cas des États-Unis, c’est 0,408 ; ce qui est très élevé. Il y a même moins d’écart entre les États-Unis et le Brésil (0,519) qu’entre les États-Unis et les trois pays nordiques ! Les trois pays scandinaves font également mieux que le Canada (0,324) et le Québec (0.303). Leurs taux de pauvreté sont également beaucoup plus bas que ce qu’on retrouve au Canada ou aux États-Unis. Il est pratiquement inexistant chez les enfants.

Il ne faut pas en tirer la conclusion, à partir de ces résultats exceptionnels, que ces pays n’ont pas cherché à adapter leur pays à la mondialisation et à la concurrence mondiale notamment après la crise très sévère que ces derniers ont connue au début des années 1990. Les réformes ont été très importantes. Ces pays ont revu leur fiscalité, notamment par l’introduction d’une TVA sociale au Danemark, ont réformé leur marché du travail, ont privatisé des services publics, ont réduit leurs dépenses publiques en proportion du PIB et ont procédé à d’importantes réformes de leurs États, notamment dans le domaine de la santé. Le recul des dépenses publiques sur le PIB, depuis le sommet du début des années 1990 jusqu’en 2005, est de – 19 % au Danemark, – 21 % en Suède et de – 25 % en Finlande.

Les mesures de redressement ont été si importantes que l’ancien ministre des Finances, Pär Nuder, a déclaré que la Suède a « mené le programme d’assainissement budgétaire le plus drastique qu’un gouvernement n’ait jamais conduit sur une période aussi courte ». En somme, ces pays ont remarquablement réussi à s’adapter aux défis de la gouvernance contemporaine !

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